Funiflaine : après l’abandon du projet, les langues se délient

Le 17 mai dernier, le Syndicat mixte du Funiflaine a adopté une délibération confirmant l’arrêt du projet de création d’une remontée mécanique reliant la vallée à la station de Flaine. Du côté des tenants de ce projet vieux de 30 ans, la déception domine  

Si l’idée d’une liaison par câble entre Flaine et la vallée n’est pas définitivement enterrée, il faudra se monter patient avant de pouvoir accéder à la station en télécabine. Photomontage CITEC

Vice-président du Syndicat du Funiflaine et président de la Communauté de communes Cluses Arve et montagnes (2CCAM), Jean-Philippe Mas se refuse à tout commentaire sur l’abandon du projet  : « La procédure en cours, en lien avec le concessionnaire, m’oblige à un devoir réserve. Je m’exprimerai sur le dossier en temps voulu. »

Son homologue de Magland, Johann Ravailler, n’est guère plus prolixe : « On ne s’étale pas trop dessus, on a décidé de ne pas trop communiquer pour l’instant. » Évidemment triste de voir ce projet structurant pour sa commune abandonné, le premier édile estime toutefois qu’il était « plus sage d’arrêter ». « Je pense que c’est mal tombé. Je ne veux pas parler de la guerre en Ukraine, parce que ce n’est pas seulement ça, mais tout est lié. Avec une augmentation entre 20 et 25 % du prix des matériaux, les études chez nous qui ont pris un peu de retard, ce n’était pas judicieux de continuer, affirme Johann Ravailler. Ça aurait coûté trop cher et je ne voulais pas endetter plus que mesure la mairie de Magland. »

« C’est la mobilité dans son ensemble qu’il faut repenser »

En revanche, Jean-Paul Constant, maire d’Arâches-la-Frasse et également vice-président du syndicat, se montre moins avare en paroles. « Je suis un peu déçu de l’issue, parce que je pense que c’est un projet qui, sur le très long terme, était vertueux et positif pour la desserte du Grand massif dans son ensemble, pas seulement la station de Flaine, mais aussi la station des Carroz », souligne l’édile.

Car si le Funiflaine est abandonné, la problématique de l’accès aux stations reste. Pour y remédier, la création d’un tunnel sous Les Carroz a un temps été envisagée. « Il y a toujours eu un vieux serpent de mer, qui a été étudié à l’époque, et qui aujourd’hui est techniquement possible mais onéreux en termes d’investissement, poursuit Jean-Paul Constant. La raison pour laquelle l’ascenseur valléen avait été privilégié est que ce tunnel sous Les Carroz ne permet que de désengorger le centre des Carroz – qui cependant est un nœud qui pose problème en hiver – mais ne règle pas pour autant l’accès aux stations par les voitures. » Une autre possibilité serait de créer une télécabine qui va des Carroz à Flaine pour libérer la route de Flaine. « Mais ça, c’est un pis-aller », lâche le maire des Carroz.

Et pourquoi pas un Funiflaine 2.0 ? Car si le projet en l’état est enterré, « le président du Département, qui était président du syndicat, reste persuadé qu’un jour il y aura une liaison vallée-Flaine par câble », confie Johann Ravailler. « Ça serait peut-être l’occasion aujourd’hui de repenser un projet qui justement passerait par les Carroz… » commente le maire de la station.

Quel que soit le choix des collectivités, Jean-Paul Constant espère qu’il donnera lieu à une réflexion plus globale sur la mobilité, qui passe par le développement du transport collectif ou encore la création de parkings en aval des stations. « Le sujet, ce n’est pas le Funiflaine en tant que tel, c’est la mobilité dans son ensemble qu’il faut repenser. On ne peut plus se permettre dans les années qui viennent de laisser des milliers de voitures monter dans les stations de haute montagne », conclut le maire des Carroz.

Les opposants au projet satisfaits

Le Funiflaine avait aussi ses détracteurs. Les membres de l’Association flainoise notamment combattaient le projet depuis 3 ans et demi. Le président, Régis Lardennois, ne cache d’ailleurs pas sa joie. « Le Funiflaine avait de très bons objectifs, je ne les conteste pas. Par contre, il se présentait comme étant un transport public, mais il ne desservait personne, affirme Régis Lardennois. Il se présentait comme un ascenseur valléen, qui est un terme qui a une définition administrative précise. Il faut que cela desserve en priorité des habitations et pas un domaine skiable. Ce n’était pas du tout le cas du Funiflaine. Les 2/3 des passagers prévus par le syndicat l’étaient pour accéder au domaine skiable. »

On en arrivait à une équation qui devenait impossible 

Selon le président de l’Association flainoise, le Funiflaine n’était pas viable sur le plan économique. « Ils visaient essentiellement le ski à la journée, donc le week-end. Mais pour un projet de 100 millions d’euros, avec des clients qui en moyenne dépensent de l’ordre de 3€ par aller-retour, il faut vraiment travailler tous les jours pour s’en sortir. Et là, le fait de ne pas avoir voulu desservir Les Carroz, je pense qu’ils se privaient au moins de la moitié de la clientèle possible. Pour que ça soit viable, il fallait avoir de nombreux skieurs à la journée en plus pour rapporter de l’argent sur un domaine skiable qui est déjà assez largement saturé en haute saison, on en arrivait à une équation qui devenait impossible. »

Le 20 mai, après l’officialisation de l’abandon du Funiflaine, l’Association flainoise et Les amoureux des Carroz ont adressé un mail aux maires de Magland et des Carroz pour leur soumettre un projet alternatif de transport par câble, qui desservirait également Les Carroz. Un document de 27 pages qui a représenté environ un an de travail.

Si un nouveau projet devait voir le jour, Régis Lardennois assure qu’il veillera à ce qu’il desserve « en priorité des zones d’habitation », qu’il ait une « véritable correspondance avec la SNCF » et qu’il préserve les activités touristiques existantes du col de la Pierre-Carrée. « Si le projet ne respecte pas ces critères, on s’y opposera », assure le président de l’Association flainoise.